Tungstène dans l’eau du robinet : faut-il s’en méfier ?

Tungstène dans l’eau du robinet : faut-il s’en méfier ?
Qu’est-ce que le tungstène et pourquoi en trouve-t-on dans l’eau du robinet ?
Le tungstène est un métal lourd méconnu du grand public, mais précieux dans de nombreuses industries. Résistant à de très hautes températures, ce métal gris acier est utilisé notamment dans la fabrication des ampoules, des électrodes de soudure, des alliages métalliques et même dans certaines munitions. Cependant, c’est dans l’environnement qu’il attire aujourd’hui l’attention, et notamment dans une ressource que nous utilisons quotidiennement : l’eau potable.
Présent naturellement dans la croûte terrestre, le tungstène peut s’infiltrer dans les nappes phréatiques par érosion des roches ou via certaines activités minières et industrielles. Il peut également provenir de traitements agricoles, dans lesquels il est parfois utilisé comme substitut au plomb dans les balles de chasse ou dans certaines formulations de pesticides. Résultat : ce métal se retrouve dans nos rivières, nos lacs… et parfois dans notre eau du robinet.
Le tungstène : un risque émergent pour la santé ?
À ce jour, le tungstène n’est ni officiellement classé parmi les contaminants réglementés par l’Union Européenne, ni inclus dans les paramètres organoleptiques ou microbiologiques obligatoires surveillés par les autorités sanitaires françaises. Mais cela ne signifie pas pour autant qu’il est inoffensif.
Les recherches sur la toxicité du tungstène sont encore limitées, mais certaines études commencent à alerter. Une consommation chronique, même à faible dose, pourrait être liée à des effets négatifs sur le système rénal et cardiovasculaire. Des recherches menées aux États-Unis ont également évoqué un lien possible entre une forte exposition au tungstène et des cas de leucémie infantile, notamment dans le Nevada, bien que les données restent controversées et insuffisantes à ce stade pour tirer des conclusions définitives.
Les toxicologues s’accordent néanmoins sur un point : tant que les effets à long terme de l’exposition au tungstène ne sont pas clairement identifiés, la prudence reste de mise, en particulier pour les enfants, les femmes enceintes et les personnes immunodéprimées.
Quelle est la présence du tungstène dans l’eau potable en France ?
Le tungstène ne fait pas partie des substances systématiquement recherchées dans les analyses de la qualité de l’eau potable en France. Toutefois, certaines communes situées à proximité de carrières, de sites industriels ou dans des zones montagneuses granitiques (comme le Massif central) peuvent présenter des teneurs mesurables, souvent dues à la composition géologique des sols ou à des activités humaines locales.
En 2021, une étude menée par l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) sur de nouveaux contaminants émergents mentionnait le tungstène parmi les substances à surveiller. Même si les concentrations relevées dans les analyses ponctuelles étaient en général très faibles (souvent inférieures à 1 μg/L), la variabilité entre les régions invite à une veille renforcée.
Certains pays, comme les États-Unis, ont inclus le tungstène dans leur programme de surveillance non réglementée (Unregulated Contaminant Monitoring Rule, ou UCMR), notamment pour évaluer la fréquence de sa présence dans les réseaux publics. En France, cette démarche est encore balbutiante.
Quels sont les seuils considérés comme préoccupants ?
À ce jour, il n’existe pas de norme européenne ou française fixant une limite maximale permise de tungstène dans l’eau potable. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) n’a pas encore établi de valeur guide officielle non plus, faute de données réglementaires suffisantes sur les effets sanitaires à long terme.
Cependant, certains chercheurs ont proposé des seuils de vigilance. Par exemple, une concentration de 50 μg/L a parfois été considérée comme point de départ d’évaluation toxicologique dans des documents scientifiques. En pratique, les concentrations mesurées en France restent largement en dessous de ce seuil, mais il n’existe pas de seuil « sans risque » clairement établi.
Le problème, c’est que l’absence de norme ne veut pas dire absence de toxicité. Et les études de toxicologie environnementale soulignent de plus en plus que les effets cocktail – c’est-à-dire l’interaction de plusieurs polluants faibles dans l’eau – doivent aussi être considérés.
Doit-on s’inquiéter de la qualité de son eau en tant que consommateur ?
Pas de panique inutile. Si vous sentez déjà l’angoisse monter à chaque gorgée d’eau du robinet, il faut nuancer : dans l’immense majorité des cas en France, l’eau potable est traitée et surveillée avec une grande rigueur. Mais comme toujours, la vigilance du consommateur a sa place. Car entre la source, le traitement, le réseau de distribution et votre robinet, il peut exister des variations importantes.
Si vous vivez dans une région où une activité industrielle est présente, dans une zone montagneuse granitique (comme certaines parties du Limousin ou des Vosges), ou si des forages privés sont utilisés, il peut être pertinent de faire analyser votre eau, simplement pour vérifier l’absence de métaux lourds non réglementés, dont le tungstène.
Une analyse complète peut être réalisée par des laboratoires agréés pour environ 100 à 150 €. Certains kits de prélèvement sont également disponibles pour un premier diagnostic, bien que leur fiabilité varie grandement selon les marques.
Quelles solutions si on souhaite éliminer le tungstène de son eau à domicile ?
La filtration domestique s’impose dans ce genre de situation, mais pas n’importe comment. Tous les systèmes de filtration ne sont pas efficaces contre les métaux lourds. Voici un petit comparatif des technologies les plus adaptées :
- Filtres à osmose inverse (RO) : très efficaces contre les métaux comme le plomb, l’arsenic… et le tungstène. Ces systèmes forcent l’eau à passer à travers une membrane semi-perméable qui bloque la quasi-totalité des contaminants. Seul inconvénient : le coût et une installation plus complexe.
- Filtres à adsorption sur charbon actif : utiles contre les composés organiques volatils, les goûts et les odeurs, mais inefficaces contre la majorité des métaux lourds, dont le tungstène.
- Résines échangeuses d’ions : certaines sont capables d’éliminer les cations métalliques, mais leur efficacité dépend fortement de la formulation et du type de résine utilisé. Elles sont rarement seules suffisantes pour le tungstène.
Vous l’aurez compris, si l’élimination du tungstène est votre priorité, tournez-vous vers un système d’osmose inverse certifié. Il en existe aujourd’hui de formats compacts, sous évier, pour un usage quotidien sans contrainte excessive.
Et les carafes filtrantes dans tout ça ?
On pose souvent la question : est-ce que ma carafe filtrante suffit ? Dans ce cas précis, la réponse est non. Les carafes type Brita ou équivalentes sont efficaces contre le chlore, le calcaire et certains pesticides. Mais elles ne permettent pas d’éliminer les métaux lourds dissous comme le tungstène. Pire : mal entretenues, elles peuvent devenir un nid à bactéries…
Donc si votre objectif est de réduire l’exposition à des éléments comme le tungstène et que vous disposez d’une eau suspectée de contamination, une carafe filtrante classique n’est pas l’outil adapté.
Mon avis personnel et recommandations pratiques
En tant que passionné de qualité de l’eau (certains diraient que c’est une obsession, mais chacun ses manies !), je considère qu’il vaut mieux savoir ce qu’on boit que de rester dans le flou. Les risques liés au tungstène sont encore mal maîtrisés, mais les études deviennent de plus en plus nombreuses et sérieuses à ce sujet.
Mon conseil est simple :
- Si vous habitez une zone à risque identifié (proximité d’industrie minière, zone granitique, forages privés…), envisagez une analyse de l’eau par un laboratoire agréé.
- Adaptez votre système de filtration si besoin : un osmoseur inverse est le meilleur choix dans le cas des métaux.
- Sensibilisez votre entourage. L’eau du robinet est un trésor du quotidien, mais elle mérite notre attention, notre exigence et parfois, quelques ajustements techniques pour en préserver la qualité.
Boire de l’eau, c’est vital. Mais boire de l’eau saine, c’est essentiel. Alors, autant s’assurer qu’aucune particule indésirable – aussi discrète et méconnue soit-elle comme le tungstène – ne s’y glisse. Et si vous avez des doutes sur la qualité de votre eau, dites-vous bien une chose : il vaut mieux poser trop de questions que pas assez.