PFAS dans l’eau du robinet : faut-il craindre les polluants éternels ?

PFAS dans l’eau du robinet : faut-il craindre les polluants éternels ?
Depuis quelques années, un acronyme inquiétant revient régulièrement dans les médias et les rapports environnementaux : les PFAS. Ces substances chimiques, surnommées “polluants éternels”, soulèvent de nombreuses questions sur la qualité de l’eau que nous consommons au robinet. Mais que sont exactement les PFAS ? Faut-il réellement s’en alarmer ? Et surtout, que peut-on faire, à notre échelle, pour limiter leur présence dans notre eau potable ?
PFAS : de quoi parle-t-on exactement ?
Les PFAS, ou composés per- et polyfluoroalkylés, désignent une famille de plus de 4 700 substances chimiques synthétiques développées dans les années 1940 pour leurs propriétés hydrofuges, oléofuges et résistantes à la chaleur. Autrement dit, elles ne craignent ni l’eau, ni les graisses, ni la température. On les retrouve dans un grand nombre de produits du quotidien : emballages alimentaires, textiles imperméables, mousses anti-incendie, revêtements antiadhésifs (coucou les poêles en téflon)…
Le problème ? Ces composés sont extrêmement persistants dans l’environnement. Ils ne se dégradent quasiment pas, ni dans la nature, ni dans notre organisme. D’où leur surnom : “polluants éternels”. Et c’est là que les inquiétudes émergent, notamment concernant leur présence dans l’eau potable.
Comment les PFAS se retrouvent-ils dans notre eau du robinet ?
La contamination de l’eau par les PFAS peut avoir plusieurs origines :
- Les rejets industriels directs dans les cours d’eau ou les stations d’épuration.
- La dégradation lente de produits contenant ces substances (vêtements, cosmétiques, ustensiles de cuisine, etc.).
- L’utilisation de mousses anti-incendie souvent sur les aéroports ou les bases militaires.
Une fois dans l’environnement, les PFAS s’infiltrent dans les nappes phréatiques et les cours d’eau, puis finissent par se retrouver dans les sources captées pour alimenter l’eau potable.
Ce phénomène est loin d’être marginal. En 2023, une analyse menée par l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) et plusieurs ONG environnementales a révélé que près de 17 millions de Français pourraient être exposés à des niveaux préoccupants de PFAS via leur eau du robinet. Certaines régions, comme la vallée de la Chimie près de Lyon ou les alentours de Mulhouse, présentent des taux particulièrement élevés.
Quels sont les risques pour la santé ?
Les effets sanitaires des PFAS font l’objet de nombreuses études depuis plus de deux décennies. Si tous les composés ne présentent pas les mêmes risques, certains d’entre eux – notamment le PFOA et le PFOS – sont classés comme potentiellement cancérigènes par l’Agence internationale de recherche sur le cancer (CIRC).
Voici quelques-uns des effets sanitaires identifiés :
- Dérèglement du système hormonal (notamment thyroïdien).
- Augmentation du taux de cholestérol dans le sang.
- Réduction de la réponse immunitaire aux vaccins (chez les enfants notamment).
- Complications pendant la grossesse (prééclampsie, faible poids à la naissance).
- Risques accrus de certains cancers, notamment des testicules, des reins et du foie.
Le hic ? Les PFAS s’accumulent dans notre organisme au fil du temps (on parle de bioaccumulation), rendant les expositions chroniques particulièrement préoccupantes, même à faibles doses.
Que fait la réglementation française (et européenne) ?
Jusqu’à récemment, bien peu de choses. Les PFAS sont longtemps restés hors des radars réglementaires, en partie à cause de leur diversité chimique et du manque de données toxicologiques pour chacun d’eux. Mais la situation évolue.
En janvier 2023, l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation) a rendu un avis très attendu en recommandant un seuil sanitaire de 0,1 µg/L pour l’ensemble des PFAS dans l’eau potable.
En parallèle, la réglementation européenne s’active également. Une proposition d’interdiction quasi totale des PFAS a été déposée auprès de l’ECHA (Agence européenne des produits chimiques) par un groupe de cinq pays, dont la France. Si elle est adoptée, ce serait une des réglementations les plus strictes au monde en matière de lutte contre ces polluants.
Cela dit, entre les recommandations scientifiques et la mise en application concrète sur le terrain, il y a souvent un délai. Et pendant ce temps, les PFAS continuent de circuler dans nos robinets.
Votre eau du robinet contient-elle des PFAS ?
Très bonne question. Malheureusement, les données accessibles au grand public restent partielles selon les départements. Certaines collectivités, comme celles de la métropole de Lyon ou de la région Grand Est, ont commencé à publier des résultats de mesures, souvent sous la pression citoyenne. Mais ces analyses ne sont pas encore systématiques.
Pour savoir si vous êtes concerné, vous pouvez :
- Consulter le site de l’ANSES ou celui de votre ARS régionale.
- Demander au service des eaux de votre commune s’il réalise ce type d’analyses.
- Consulter notre blog dans la rubrique « Eau du robinet par villes », où nous centralisons régulièrement les données disponibles, ville par ville.
Bon à savoir : à défaut de données locales précises, les régions proches de sites industriels chimiques, d’aéroports ou d’incinérateurs de déchets sont statistiquement plus à risque.
Peut-on filtrer les PFAS à la maison ?
La réponse est oui, mais pas avec n’importe quel filtre. Les carafes filtrantes classiques (type Brita) ne sont généralement pas conçues pour éliminer les PFAS. Pour cela, il faut se tourner vers des solutions plus spécifiques :
- Filtres à charbon actif (granulés ou blocs compressés) : ils sont efficaces pour certains PFAS, surtout s’ils sont bien dimensionnés et remplacés régulièrement. Leur efficacité peut varier selon la forme chimique des PFAS présents.
- Osmoseur inverse : technologie très performante qui permet de retenir la quasi-totalité des PFAS, avec en prime de nombreux autres polluants (nitrates, pesticides, métaux lourds…). En revanche, cela demande une installation sous évier, un entretien rigoureux et peut générer de l’eau rejetée.
Lors de tests indépendants menés aux États-Unis (notamment par l’EPA), certains systèmes d’osmose inverse ont montré un taux d’élimination des PFAS supérieur à 95 %. Il est donc tout à fait possible de protéger efficacement son foyer, à condition de bien choisir son équipement.
Sur notre blog, vous trouverez régulièrement des comparatifs et des fiches pratiques pour vous orienter vers les meilleurs modèles en fonction de vos besoins et de votre budget.
Une préoccupation mondiale – avec des réponses locales
Les PFAS ne sont pas un problème franco-français : on retrouve des contaminations dans l’eau potable aux États-Unis, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Chine, et presque partout où une industrie chimique est (ou a été) implantée. Cela dit, les perceptions et les réponses politiques diffèrent beaucoup selon les pays.
Aux États-Unis, le scandale du PFOA (décrit dans le film Dark Waters) a entraîné une prise de conscience massive, forçant certaines collectivités à engager des plans de dépollution. En Suède ou en Allemagne, des sites entiers sont déjà en travaux de réhabilitation. La France, de son côté, accélère enfin, mais reste en phase d’identification des zones à risque.
Ce qui est encourageant, c’est la montée en puissance des collectifs citoyens, des ONG, et la pression exercée pour une plus grande transparence sur les données publiques. Des plateformes comme Info-PFAS tentent de cartographier les zones polluées pour alerter le public. Cette dynamique est essentielle pour faire bouger les lignes.
Alors, faut-il s’alarmer ?
Inutile de paniquer, mais il est raisonnable d’être vigilant. Les PFAS ne sont pas visibles, ne changent ni le goût ni l’odeur de l’eau, mais ils peuvent poser un risque réel pour la santé à long terme s’ils sont présents à des concentrations importantes dans votre robinet.
Heureusement, des solutions existent pour les filtrer efficacement chez soi, et l’étau réglementaire commence à se resserrer. En tant que consommateurs, nous avons aussi un rôle à jouer : s’informer, demander des comptes à nos collectivités, et adapter nos usages au quotidien.
Et si, comme moi, vous êtes convaincu que l’accès à une eau propre et saine est un droit fondamental, alors restons curieux – et exigeants. Car une eau potable vraiment buvable, c’est d’abord une eau que l’on connaît.
— Jérôme Lafont